L'Entrepôt : des films indés et de la food inventive en plein coeur de Paris
L'Entrepôt : des films indés et de la food inventive en plein coeur de Paris
Ancienne imprimerie plantée au coeur du 14e arrondissement, reconverti en centre culturel dans les seventies, 'L'Entrepôt' a été repris en 2017 par le producteur Charles Gillibert et le galeriste Stéphane Magnan. Leur objectif : créer un lieu transdisciplinaire, accueillant le cinéma indépendant, la photographie contemporaine, les musiques actuelles, les performances théâtrales et la food aiguisée, avec le collectif Fulgurances aux manettes de la table la plus audacieuse du quartier. Retour sur l'histoire d'un lieu unique à Paris.
À partir des années 20 et jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale, Montparnasse et le 14ème arrondissement, deviennent le centre de la vie intellectuelle et artistique européenne. Giacometti y installe son atelier, Picasso ses chevalets, Joséphine Baker y importe le Jazz des Etats-Unis tandis que les surréalistes récupèrent le local d’un ancien marchand de lapins, rue du château, pour créer leur espace de liberté. Le romancier Henry Miller écrira que le carrefour Vavin-Raspail est « le nombril du monde » car, en effet, la quintessence des poètes, les musiciens, les peintres, des artistes les plus en vogue de l'époque s'y retrouve.
Cinquante ans plus tard, dans un Paris gris et pessimiste, Frédéric Mitterrand, un jeune bourgeois âgé d’une vingtaine d’années, fonde les cinémas Olympic au cœur de ce même arrondissement, dans le quartier de Pernety. Il commence par racheter, en 1971, le cinéma l’Olympic, rue Boyer-Barret, puis en 1975, un ancien entrepôt de textile au 7-9 rue Francis de Pressensé. Pour lui, il s'agit avant tout de créer un lieu culturel dynamique, avec un café qui rappelle les effervescents " Le Dôme" et " La Coupole" d'autrefois, une librairie, et surtout une salle de cinéma où il s'agit de laisser la place un cinéma d'art et d'essai audacieux. Plus tard, lors d’une interview pour la télévision, il décrira son projet comme une « réaction contre les cagibis où les gens sont entassés à 150 dans des petits coins pour voir des films sur des timbres-poste ».
Rapidement, cet espace, l'Olympic Entrepôt, va devenir un incandescent lieu de la culture underground parisienne.
À l’Olympic Entrepôt, pour moitié moins cher qu’ailleurs, on vient voir des films de Fassbinder, un cycle hommage au réalisateur écossais Bill Douglas, des rétrospectives des classiques américains autour de thématiques aux titres aussi évocateurs que « vilains garçons » et « mélodrames flamboyants » ou encore des rétrospectives de films égyptiens inconnus en Europe.
Dans des temps d’agitation politique, le lieu devient aussi une salle d’utopie militante. On assiste à des meetings d’activistes d’extrême gauche ou du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, lorsqu’au même moment se déroule au restaurant un shooting pour Vogue et que des junkies se sont enfermés dans les toilettes.
Lorsqu’on ne prend pas de l’héroïne avec Zohra et les autres ouvreuses, on passe du temps à « l’éléphant rose » l’espace librairie, à chiner, à boire des cafés et à rêver d'arts. Le soir, après les projections, le restaurant peut se transformer en night-club. Entre la salle et le bar, des bandes de gauchistes LGBT informelles et influentes de la nuit parisienne, les Gazolines, le gang de Marie-France, se mêlent aux Loulous qui gardent la porte et à des actrices aussi chics et flamboyantes que Jean Seberg, Maria Schneider ou Isabelle Huppert, pour danser au son de la Disco ou du Glam Rock de Roxy Music et du Bowie de Hunky Dory. Ainsi, dans un article consacré aux années Olympic paru en septembre 2017 dans la revue Purple, l’écrivain Simon Liberati donne ce qui est peut-être la meilleure définition de ce que fût l’Olympic Entrepôt : « l’endroit où il faut se trouver, un lieu de vie sociale et de la scène underground, une fête ».
En octobre 1987, alors que le cinéma fait face depuis quelques années à une dure crise économique, due entre autres à l’essor de la télévision et des cassettes VHS, c’est à l’Entrepôt que les Cahiers du Cinéma fêtent leur 400ème parution. Un numéro dont la rédaction en chef est confiée, pour l’occasion, à Wim Wenders et qui rassemble des pages de scénarios jamais tournés. Cette même année, criblé de dettes, l’exploitant de cinéma et fondateur de l'entrepôt, Frédéric Mitterrand doit se résigner à mettre la clé sous la porte.
En 2019, au 7-9 rue Francis de Pressensé, les projecteurs se sont une nouvelle fois allumés grâce à Charles Gillibert (CG Cinéma) et le galeriste Stéphane Magnan ( Les Filles du Calvaire ). En s'appuyant sur son héritage culturel, Le Lieu Secret - L'entrepôt se positionne aujourd'hui comme un nouvel espace agitateur d’idées, dédié à la création et conscient des enjeux cinématographiques et sociaux de notre temps. Un lieu dont l’ambition est d’être une véritable Maison du cinéma, défendant des auteurs libres et créatifs dans ses salles comme dans son restaurant, Le Jardin Secret.