15 Dec, 2020

Robert Compagnon : " il y a une certaine physicalité dans les beaux gestes d'un.e chef.fe, qui peut évoquer quelque chose de sexuel"

15 Dec, 2020

Robert Compagnon : " il y a une certaine physicalité dans les beaux gestes d'un.e chef.fe, qui peut évoquer quelque chose de sexuel"

BY The editors

Au Rigmarole, restaurant étoilé, Robert Compagnon, Franco-américain et son épouse Jessica Yang, Américaine d'origine taïwanaise, nous font le cadeau d'une aventure syncrétique qui charme les papilles gourmandes. Robert Compagnon, également un cinéphile éclectique, a accepté de répondre à nos questions.

En un mot, comment définiriez-vous votre cuisine ?

Robert Compagnon : Jess et moi définissons souvent notre cuisine comme "personnelle". Les plats que nous servons au Rigmarole constituent une sorte de fusion de tous nos voyages, expériences professionnelles, nos familles et notre vécu.

La pire scène de bouffe dans un film?

Robert Compagnon : La scène du banquet dans Indiana Jones and the Temple of Doom.

Le dernier grand film vu ?

Robert Compagnon : Le Professionnel avec Belmondo.

Est-ce qu'on peut dire qu'un film a été tellement captivant que je me suis senti kidnappé? Oui, tout le temps.

Avez-vous déjà eu très faim en regardant un film ? Lequel?

Robert Compagnon : J'ai faim à chaque fois que je regarde Tampopo.

Le pop-corn au cinéma: indispensable ou sacrilège ?

Robert Compagnon : Ça dépend du film... indispensable pour The Fast and the Furious, sacrilège pour Les 400 Coups.

Le grand réalisateur japonais Yasushiro Ozu ( "Le goût du saké", "Bonjour", "Voyage à Tokyo") a dit une fois: « Vous ne pouvez pas demander à un marchand de tofu de cuisiner du porc pané. Je suis un marchand de tofu, je ne propose que du tofu ». Si vos plats étaient des films, à quels genre appartiendrait-ils?

Robert Compagnon : Buddy cop action comedy. Dans le style de 48 Hrs ou Lethal Weapon. Jess et moi sommes plus forts parce que nous sommes ensemble, et le plus important c'est de s'amuser, tout le long. Et, il y a du feu et des explosions.

Le cinéma a parfois maltraité les aliments. Que vous évoque la scène de l’oeuf dans « L’empire des sens » ?

Robert Compagnon : J'avoue qu'avant aujourd'hui, j'en avais seulement une idée vague d'un truc un peu tabou. Après une recherche internet qui a abouti sur des sites de porno, l'emplacement de cet œuf m'a été confirmé.

Est-ce qu’un film vous a donné envie de découvrir une nouvelle cuisine?

Robert Compagnon : Non, peut-être pas un film. Mais à l'université je regardais tous les soirs un épisode de Iron Chef Japan, c'était ma petite pause dans les études entre 21 et 22h. Cette vision bizarre, étrangère et absurde de la cuisine a eu une influence démesurée sur ma construction en tant que chef.

Western-ramen ou western-spaghetti ?

Robert Compagnon : Les deux. J'ai découvert Kurosawa et Leone plus ou moins au même moment quand je devais avoir 16 ans, et ces deux génies m'ont montré que les récits sont universels. Un peu comme dans la cuisine : on peut s'emparer de goûts, de techniques, et les rendre propres à nous, raconter notre histoire aux autres.

Dans Tampopo de Jūzū Itami, les aliments deviennent parfois de pures objets d’expression érotique comme par exemple dans la scène dite de l’huître. Cuisiner peut-il être un art sensuel ? sexuel ?

Robert Compagnon : Je crois préférer la scène du jaune d'oeuf dans Tampopo, qui passe de bouche en bouche avant d'exploser au moment final. Cependant, je ne suis pas sûr que cuisiner soit aussi sensuel que manger, mais il y a une certaine physicalité dans les beaux gestes d'un.e chef.fe, qui peut évoquer quelque chose de sexuel, une sorte d'instinct animal.

Dans le cinéma, le moment de passer à table est souvent un moment douloureux et pénible. On pense, entre autres, au repas familial dans Festen de Thomas Vinterberg. Comme certains personnages lors d’un repas familial, est-ce que vous vous êtes déjà senti pris en otage mais cette fois-ci, dans une salle de cinéma ou devant un film ?

Robert Compagnon : La question peut être comprise de deux manières. Est-ce que j'étais tellement mal à l'aise ou ennuyé par un film que je voulais m'enfuir, mais je ne pouvais pas? Je ne crois pas.

Ou bien, est-ce qu'on peut dire qu'un film a été tellement captivant que je me suis senti kidnappé? Oui, tout le temps.

ADRESSE

LE RIGMAROLE : 10 rue du grand-prieuré, 75O11 Paris