Les photographies intimes et politiques d'Alain Guiraudie
Les photographies intimes et politiques d'Alain Guiraudie
En marge de ses activités de cinéaste et romancier, Alain Guiraudie est aussi un photographe au regard aiguisé et poétique. En 2019, le Fresnoy produisait sa première exposition photo, reprise par la suite dans la galerie du cinéma L'Entrepôt (Paris 14). Morceaux choisis de l'exposition, en attendant la sortie du nouveau film du cinéaste, "Viens je t'emmène", une comédie politique abrasive dont on reparlera très rapidement.
"J’ai réalisé cette installation photo alors que j’étais dans le Nord, attiré par les paysages post-industriels de la banlieue lilloise, des terrains vagues et des friches industrielles (abandonnés ou réhabilités) et par des figures (pas forcément locales) rencontrées dans la ville. Et j’ai construit cette série de photos comme un scénario mobile, avec quelques situations à la fois quotidiennes et posées. Je parle de scénario mobile parce que la narration reste à construire même si elle est très clairement orientée et si le spectateur est invité à se faire un film avec tout ça. Chaque situation est traitée de façon indépendante. Plutôt qu’une journée blanche, ça pourrait être une journée ordinaire mais« une journée ordinaire » comme titre, ça me plaît pas. Et d’ailleurs, c’est quoi au juste une journée ordinaire ? Les journées ordinaires sont-elles si ordinaires ? Personnellement, je ne suis pas sûr qu’elles se ressemblent tant que ça. Et puis j’aime bien l’idée que les journées ordinaires soient toujours un peu extraordinaires. De toute façon, on fait toujours des choses extraordinaires pendant les journées ordinaires.
Et l’idée de tout ça (d’où les tirages en grand), c’est de traiter les images quotidiennes et banales comme des grands moments de vie. Comme des allégories du quotidien. Les photos sont mises en scène et clairement dirigées avec des modèles qui posent, des comédiens qui jouent. Si la veine documentaire ne m’intéresse pas vraiment ici, j’ai cherché à saisir quelque chose de la vie intime, de la douceur de vivre. Je n’ai pas cherché la veine documentaire, j’étais intéressé par raconter une histoire bien sûr mais aussi saisir quelque chose de la vie intime, le burlesque des poses ou des situations, et de ce qui fait que l’on aime bien être là, quelque chose de la douceur de vivre et de ce qui fait qu’on aime bien vivre les journées ordinaires. Même si on peut sentir l’inquiétude du lendemain (ou d’autre chose) dans les regards. Ça reste d’ailleurs toujours un peu mystérieux pour moi. Pourquoi ces regards inquiets alors que je ne leur demande rien. Est-ce que c’est moi qui leur transmets ma propre inquiétude ?"
Alain Guiraudie