Adrien Cachot et Mory Sacko en duo cinéphile à l'Entrepôt : "Un Ramen ça doit être dirty"
Adrien Cachot et Mory Sacko en duo cinéphile à l'Entrepôt : "Un Ramen ça doit être dirty"
Le cinéma et restaurant L'Entrepôt (Paris 14) accueillait les chefs Adrien Cachot et Mory Sacko en leur confiant une double programmation film et repas. Pour l'occasion, les deux cool kids des cuisines françaises avaient mijoté une sélection Tampopo-Ramen pigeon du meilleur goût. Interview.
Ce n’est pas la première fois que vous cuisinez dans des lieux alternatifs. On vous a vu Adrien il y a quelques mois cuisiner sur une péniche. Et maintenant, vous investissez un cinéma avec Mory. C’est un nouveau moteur, une nouvelle excitation pour vous, de sortir des vieilles cuisines traditionnelles?
Mory : Toujours, c’est la passion. On a commencé à bosser dans les cuisines, on y a été formés et on y travaille la majorité du temps, alors pouvoir en sortir, inventer d’autres choses, un autre rapport à la cuisine, dans des lieux plus insolites, c’est hyper excitant. Sur des bateaux, dans la rue, au cinéma, dans des jardins, il y a plein de trucs à imaginer. Ça change aussi notre manière d’appréhender la cuisine.
Adrien : Faut dire aussi qu’on a un rapport à la bouffe populaire. On vient des années 90, d’un rapport à la food moins formaté, pop-culturel. Donc le cinéma est un lieu presque naturel pour y faire de la cuisine. On a pensé à deux ou trois autres idées de collab, entre cinéma, art, expo, dans l'idée de finir sur un repas à chaque fois. On verra si on trouve le temps mais l’idée c’est de continuer oui.
Mory : C’est passionnant la question de la transversalité en cuisine. On est des jeunes chefs mais on a été nourris à plein d’autres cultures, street, mode, musique, et forcément ça infuse dans l’assiette.
Pourquoi vous avez choisi de programmer Tampopo ?
Adrien : Pour le délire. Je suis venu ici faire un dej, et on a parlé de la possibilité de faire un combo film et repas. J’ai tout de suite pensé à Mory. Il s’est installé à 300 mètres d’ici, avec un resto franco-africain japonais ; moi ma compagne est japonaise. On a toujours eu ça en commun avec Mory, le goût du Japon, donc ça faisait sens de choisir un film nippon.
Mory : C’est une passion partagée ouais, et puis Tampopo c’est un film hyper fun, pas sérieux. Il y a presque un côté punk dans le film. On ne voulait pas partir sur un truc classique du genre Miyazaki, mais choisir une proposition plus originale.
Adrien : On aurait pu partir sur Kitano, après c’est un délire leur cinéma aux japonais, faut aimer.
Comment vous avez pensé et conçu la carte associée à ce film ?
Adrien : Il y a notamment un Ramen de pigeon, toujours dans l’idée d’associer différentes cultures.
Mory : On part sur 120 couverts, donc on ne peut pas non plus trop s’emballer. On s’est dit, ok, faisons des classiques, des intemporels, comme le Ramen justement, mais essayons de vriller un peu les plats.
Dans Tampopo l’un des personnages part en quête d’un Ramen parfait. C’est quoi, pour vous, le secret du Ramen réussit ?
Mory : Déjà, la base, le plus important, c'est le bouillon.
Adrien : On n’imagine même pas la complexité d’un bon Ramen. La cuisson de la pâte, le bouillon, la température à laquelle tu le déguste. Ça paraît grossier comme plat, populaire, un truc vite fait, mais en réalité c’est hyper sophistiqué, c’est de la dentelle.
A Tokyo, le restaurant de Ramen Tsuta à reçu sa première étoile. Bonne ou mauvaise idée ?
Adrien : J’y suis allé. C’est un Ramen classique mais avec de la truffe. C’est bon hein, attention, mais je préfère mille fois le truc un peu dégueulasse, où les murs sont jaunes, et le plat te fracasse. Tu ne peux pas manger un Ramen sur une nappe, c’est un contresens total. Faut que ce soit sur un comptoir crado. C’est dirty le Ramen.
En dehors de Tampopo, il y a des films autour de la bouffe qui vous ont marqué ?
Adrien : Franchement non, quasiment jamais. Sauf L’Aile ou la cuisse, avec Louis de Funès. Sinon il y a des scènes de bouffe que j’aime bien dans Games of Thrones, tu sens que c’est important les banquets, ça se réunit.
Mory : C’est plus du documentaire sur Netflix sinon. En fiction, tu tombes vite dans les clichés et les raccourcis. Cliché du chef qui gueule, des casseroles qui brûlent, etc.
Adrien : La série Chef, sur France 2, j’ai dû mater 5 mn. Le truc avec Omar Sy j’ai pas compris. Un film qui était bien, c’est celui sur le foodtruck, #Chef. C'était pas mal ça.
Mory : Oui ou sinon The Founder c’était mortel aussi, moins sur le côté bouffe que sur le côté entrepreneurial. L’histoire d’un type qui avec très peu monte très haut. C’était fort.
Vous êtes de quelle école ? On bouffe avant, après, ou pendant la séance ?
Mory : Pendant la séance c'est interdit, j'ai jamais compris ça.
Adrien : Au cinéma, à la rigueur, c’est du snack. Du pop-corn ou une autre merde. Faut que tu sois comme un mouton devant le film, hyper concentré, impossible de faire attention à ce que tu manges. Cuisiner des trucs hyper sophistiqués devant un film, c’est se gâcher la bouffe et le film. Le max autorisé, devant un film, je dirais que c'est un hot dog. Bon et facile.
Mory : Le bon combo c'est un snack pendant le film, genre pop-corn, et après un resto. Bon, en vérité, après le ciné je mange rarement très propre. On finit toujours en Kebab ou Fast Food.
Adrien : Le combo parfait, pour moi, c’était une projection d'Autant en emporte le vent en 1998, enchaîné avec un cheeseburger au McDo de Bordeaux. Perfection. J'étais tout gosse et j'avais jamais vu un film aussi long. J'avais l'impression, en sortant, d'avoir vieilli de dix ans dans la salle. Le cheeseburger, dans la foulée, crois-moi je l'ai apprécié.